Entre injustice et détresse, retour sur le calvaire des restaurateurs
Au Cubana Café, David Brevel paraît dépassé par l'attente interminable d'une réouverture. Ce restaurateur de 50 ans ne veut plus qu’une chose : se remettre à travailler pour sauver son établissement.

Des néons colorés, une décoration vintage à l’ambiance hispanique, pas de doute, nous sommes bien au Cubana Café. Pourtant, derrière le bar, un homme de 50 ans semble attendre des clients qui ne viendront jamais. C’est David Brevel, patron de ce bar-restaurant rue Vavin dans le 6e arrondissement de Paris, qui nous accueille en ce mardi 15 décembre. Fils de cafetier, la restauration a toujours fait partie de sa vie, surtout depuis qu’il s’est spécialisé en gastronomie : “J’ai grandi avec ça, j’ai toujours voulu faire ça et je n’ai fait que ça.” En reprenant l’affaire de son beau-père, il y a quinze ans, David espérait la transmettre à l’un de ses trois fils. Mais depuis quelques années, les bouleversements parisiens menacent son établissement.
Des dépenses qui s’accumulent
Les attentats, les gilets jaunes, les grèves, et après deux mois de tranquillité, la Covid. Tous ces événements font baisser son chiffre d’affaires d’environ 20 % chaque année. Fermé à partir du 15 mars, c’est le 15 juin que son restaurant a pu rouvrir. Mais après 3 mois d’arrêt de l’appareillage, les problèmes techniques n’ont eu de cesse de s’accumuler. Panne de machines, frigo qui prend feu, gaz qui s’est évaporé des néons, “au bout de 3 jours, j’en avais déjà pour 10 000 €” déclare David. Ensuite, il a dû faire face aux principales normes de l’État : le port du masque et la distanciation sociale. “Il y a des week-end où je devais engager trois vigiles pour faire respecter ces mesures, et concrètement, je n’avais plus l’impression de faire mon métier.” Assis au fond de son fauteuil en cuir marron, il explique que la moitié de son personnel a dû être licencié. Parmi les 14 employés du mois de mars, il n'en reste plus que 7. Un bilan qui met la larme à l'œil du restaurateur.
“Aujourd’hui, je ne sais pas où va mon établissement”
La période la plus problématique pour lui a commencé le 15 septembre, avec l’annonce de la fermeture des bars et des restaurants à 20 h. Si les terrasses d’été lui avaient permis de payer les dettes accumulées pendant le confinement, David a dû renvoyer tous ses employés en chômage partiel, excepté lui et un cuisinier. "Je suis resté ouvert parce que je ne coûte rien à la société, je ne me paye pas, et ça permettait de satisfaire les habitués.” Si certains venaient le soutenir en mangeant à 18 h, c’est parce que Le Cubana a une certaine notoriété. Depuis 25 ans, on y vient pour boire des rhums du monde entier, fumer un cigare, danser et manger du cubain traditionnel. “On y vend du bonheur !” affirme-t-il. C’est la raison pour laquelle il n’a pas voulu se résoudre à faire du “click & collect”.
Une incompréhension totale
Derrière les restaurateurs, c’est toute une économie qui est à l’arrêt. Représentant 3,5 points du PIB en France, leur fermeture impacte directement leurs fournisseurs d'aliments et de mobiliers. Habitués à des normes d’hygiène imposantes, David ne comprend pas la raison de leur mise à l’écart. L’hiver est effectivement une période où ils doivent lutter contre les grippes et les gastros en désinfectant les établissements, en ventilant et en appliquant les normes HACCP. Sa réclamation ? Une réouverture dans les meilleures conditions : “On sait faire, on est des bosseurs dans le métier, que ce soit le soir, la semaine, le week-end, le jour ou la nuit.”
Laura Sonilhac
Le 17/12/2020