Georges Washington : une figure controversée
 
Aux États-Unis, chaque ville lui a réservé une place, une rue, un boulevard ou un monument. Mais malgré son parcours si symbolique, Georges Washington peut aujourd’hui résonner comme la figure d’un esclavagiste. Une part d’ombre oubliée par le peuple américain.
C’est le plus illustre des pères fondateurs des Etats-Unis. Leader de la démocratie outre- Atlantique. Son portrait est sur tous les billets d’un dollar. Symbole de puissance, la capitale américaine porte son nom. Cet homme, c’est Georges Washington. Né en 1732 dans l'État de Virginie, il s’engage comme officier de l’armée britannique sans entreprendre d’études supérieures. Courageux soldat de la Guerre des Sept ans et vainqueur de la guerre d'Indépendance, sa carrière militaire fait de lui un véritable héros d’Amérique. Résultat : il ne peut plus se retirer de la vie publique. Après deux ans à la présidence de la Convention de Philadelphie, un vote unanime bouleverse le cours de l’histoire. En 1789, il devient le premier président des États-Unis. Du haut de son mètre quatre-vingt-huit, sa ténacité et son sens des réalités le démarquent de ses successeurs. Mais comme eux, Georges Washington n’est pas... tout blanc.

Un personnage très contrasté
“L’Europe a des intérêts qui ne nous concernent aucunement, ou qui ne nous touche que de très loin.” C’est ce qu’il déclare à propos du conflit franco-britannique qui s’étend jusqu’en 
1815. Souhaitant donc placer le pays de l’Oncle Sam dans une neutralité totale, il a pourtant une sympathie pour l’Angleterre. Et ce n’est pas le seul sujet sur lequel l’avis du président est paradoxal. Sa relation avec l’esclavage est, par exemple, aussi contrastée que ses décisions politiques.
Dès ses onze ans, il hérite d’une dizaine d'esclaves. Marié à Martha Dandridge, il développe sa plantation de Mount Vernon. Canne à sucre consommée excessivement, les caries s’accumulent dans la bouche du futur Président. Sa seule dent restante témoigne de l'importance de sa plantation. Les esclaves s’accumulent, jusqu’à atteindre 317 personnes. Si au XVIIIe siècle, posséder des esclaves était banal, anodin, voire classique, Washington sait malgré tout profiter de ses avantages. Bien qu’il se considère comme un maître bienveillant, ses esclaves travaillent du lever au coucher du soleil. 18 heures par jour. Les malades ne sont pas excusés. Souvent considérés comme des “ingrats déloyaux” par leur propriétaire, leurs blessures ou maladies n'étaient pas admises comme une raison acceptable pour cesser de travailler. Alors étrangement, une seule solution semblait traverser l’esprit du commandant des armées : le fouet. Le fouet pour les tentatives de fuite. Le fouet pour les infractions. Le fouet pour les femmes enceintes. L'intransigeant Washington s’en occupait personnellement. 

Un combat inattendu
“Peu de nègres travaillent si on ne les avait pas constamment à l’oeil” affirme le Président. Et pourtant, il signe en 1774 les Résolutions de Fairfax. L’objectif : interdire la traite des esclaves, qu'il considère d’un coup comme un “commerce cruel et contraire aux lois de la Nature”. Grâce à son esprit visionnaire, il se fait porte-parole du sentiment anti-esclavagiste. Il milite contre le maintien de l’esclavage en 1780, il envisage même d’acheter un domaine où travailleront des anciens esclaves, pour montrer à tous la “possibilité de leur émancipation”. C’est d’ailleurs pour ça qu’il décide, sur son testament, de libérer ses esclaves à sa mort. Un revirement de situation presque incompréhensible et incohérent. 
Lorsqu’il meurt en 1799, sa tombe ne tarde pas à être vénérée, presque autant que celle de Lénine sur la Place Rouge. Mais ses actes, trop souvent oubliés, retentissent aujourd’hui comme une abomination. La preuve en est, l’extrême droite américaine, et particulièrement Donald Trump, relativisent leurs propres agissements en les comparant à ce prédécesseur. Si de nos jours, les Américains affirment “vénérer Washington, aimer Lincoln et rappeler Jefferson”, c’est peut-être parce que le peuple américain est souvent enclin à fermer les yeux sur ses fondateurs. 

Laura Sonilhac
Le 17/03/2021
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