Cancel Culture : un danger qui ne cesse de frapper
 
La “cancel culture”. Tout droit venue des États-Unis, c’est l’expression qui s’est imposée dans nos pays ces dernières années. Culture de l’annulation, de l’abolition, de la résiliation, et même de la réécriture…  
Tableaux, scénarios, livres, statues : tout y passe. Exclure du débat public des opinions jugées intolérables, c’est la définition même du boycott. Faire, défaire, et refaire les œuvres, c’est la grande tendance qui découle de la cancel culture. 
Au cœur du débat : le blackface. Une pratique qui consiste à grimer les visages pour incarner un personnage noir. Maquiller les chairs, foncer la couleur de la peau : un acte inadmissible de nos jours. Mais pourquoi blâmer aujourd’hui ce qui était normal il y a presque un siècle ? Quel est l'intérêt de se révolter contre les actes du passé ? 
Actuellement, chaque acte de blackface à le droit à son tribunal médiatique. Les avis sont tranchés, les réseaux sociaux condamnent en un rien temps. On se souvient de nombreuses polémiques, surtout récentes, qui accablent sans attendre des personnalités publiques. Annie Cordy pour “Chaud Cacao”, Jimmy Fallon pour avoir diffusé une vidéo, ou Antoine Griezmann pour un déguisement. En 2017, le joueur de football décide de se déguiser en basketteur américain. Grand fan de l’équipe des Harlem Globetrotters, il s’habille innocemment en l’honneur de ses inspirations. Une démarche qui lui a valu un véritable jugement sur la place publique. C’est bien ça le réel danger : ne pas faire la distinction entre moquerie et incarnation. Et cette distinction n’a plus de limites. On l’a encore vu en 2019, lorsque Meryl Streep est accusée de blackface dans le film The Laundromat. La raison ? Elle incarne une “caricature panaméenne quinquagénaire tout bonnement insupportable” d'après Stacie Arena, journaliste du Huffpost. Le terme du blackface est donc tout bonnement dénaturé, déformé et perd tout son sens premier, pour s’insurger aussi contre des clichés culturels. 

Un mouvement anti-cultures 
Les principales victimes de cette chasse aux sorcières : les crimes des “capitalistes blancs hétérosexuels”. C’est une haine qui se développe de plus en plus envers les hommes liés à l’esclavage et aux colonies. En Belgique, la statue de l’ancien roi Léopold II est déboulonnée. Aux États-Unis, les écoles vont changer de noms. Aux oubliettes les figures fondatrices du pays. Adieu Lincoln et Washington. San Francisco va renommer, comme si de rien n'était, 44 de ses établissements scolaires. La volonté de la cité californienne : faire le grand ménage avec des noms “sans lien avec l’esclavage, l’oppression ou le racisme”. Gare à tous ! L’histoire est en voie de disparition. Dans cent ans, Greta Thumberg ne sera qu’une extrémiste écologique, Thomas Pesquet deviendra insignifiant sur Mars et Simone Veil ne sera plus le symbole de l’avancée féministe. 
Doit-on changer l’histoire parce qu’elle ne convient plus aux éthiques actuelles ? C’est une mode qui débarque en France. On rebaptise le récit des “Dix petits nègres” d’Agatha Christie en “Ils étaient dix”. Pourquoi le renommer ? Sûrement pour convenir aux nouvelles pensées d’une société avide d’évolution et de progrès. Même l’éventuelle commémoration du bicentenaire de la mort de Napoléon fait polémique. Pour certains, c’est le plus grand homme d’État que la France n’a jamais connu. Pour d’autres, ses relations avec l’esclavage et la misogynie font de lui un personnage atroce. On ne doit plus complimenter le vainqueur de la bataille d’Austerlitz. On ne doit plus glorifier le créateur de la Légion d’honneur. On ne doit plus applaudir l’homme à l’origine du code civil. 
Voici la véritable menace de la cancel culture : devenir l’ignorant de sa propre histoire. 


Laura Sonilhac
Le 19/03/2021
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